Falstaff. Antonio Salieri.

Oper.

Adrian Stern. Opera mobile in der Kulturwerkstatt, Basel.

Radio Suisse Romande, Espace 2, Musimag, février 1986.

 

 

Oui, en effet, l"opera mobile" de Bâle veut faire du théâtre conventionnel. Mais il veut le faire à l'aide de jeunes chanteurs et de jeunes instrumentalistes. Il leur donne donc une première chance de faire des expériences professionnelles. Et cela, c'est très important. Vous pouvez vous imaginer qu'un jeune artiste ne sera pas invité pour faire son début au Grand Théâtre ou à l'Opernhaus. Mais puisqu'on doit apprendre son métier, les petits théâtres ont une fonction importante pour le monde de l'opéra. Avec le but précisément de soutenir les débutants, on a fondé à Bâle la société de l"opera mobile". Les subventions viennent du département de l'instruction publique, des banques, des communes et d'un nombre considérable de particuliers.

 

Malgré cet appui financier, les moyens de la troupe restent modestes. Mais sans idéalisme, pas de théâtre. Tous les membres de l"opera mobile" ont le même cachet, qu'ils soient ouvriers sur scène ou chef d'orchestre.

 

Ce weekend maintenant, la troupe a créé "Falstaff", opéra bouffe non pas de  Verdi, mais d'Antonio Salieri, ce compositeur italien qui dirigeait la vie musicale à la cour d'Autriche et qui nous a été rappelé en mémoire par "Amadeus" de Peter Shaffer. – Le choix de cette œuvre est bien typique pour le répertoire de l"opera mobile", car les responsables se disent que rien ne serait plus périlleux pour des débutants que de se mesurer aux grands rôles, où tout auditeur ferait la comparaison avec les voix les plus prestigieuses. Et cette comparaison, bien entendu, serait au détriment de l"opera mobile". Pour cette raison, la troupe s'est spécialisée dans le domaine des œuvres oubliées.

 

La première de "Falstaff" a eu lieu dans un centre culturel, la "Kulturwerkstatt", logé dans l'ancienne caserne militaire de Bâle. Or, si bien que la caserne se prêtait à des buts militaires, si mal elle se prête à l'opéra. La salle est trop haute et trop vaste. Les voix s'y perdent, ou elles s'entrecroisent avec leur propre écho. Impossible donc de suivre une ligne musicale, impossible aussi d'atteindre l'unisson et la balance entre l'orchestre et le plateau.

 

Et puisque nous sommes aux inconvénients: Est-ce que vous vous rappelez du froid du weekend passé? À la caserne, il entre par tous les trous et toutes les fentes. Il vous glace les pieds, il vous monte les jambes, vous prend aux reins et vous détourne l'attention. Car il n'y a plus qu'une seule question qui vous tourmente: Combien de temps peut-on rester assis immobile au froid sans attraper la grippe? Une heure? Deux heures? Trois heures? L'art fait souffrir.

 

À part les mauvaises conditions acoustiques et climatiques, il faut que je me plaigne encore de la partition. Car Adrian Stern, le conducteur de l'orchestre, a arrangé l'opéra en supprimant les cordes, en ajoutant deux pianos et une batterie et en chargeant les vents des mélodies principales. Je trouve cela déplorable. Pour une fois qu'on joue Salieri, on aurait pu le faire entendre comme il a été écrit.

 

La musique maintenant que le petit orchestre nous fait entendre, est gaie, amusante, légère. Bien entendu, elle ne nous donne pas encore ce que Mozart devait nous apporter, c’est-à-dire: elle n'entre pas dans la profondeur des personnages. Mais au moins elle plaît, elle est bien faite. Et pourquoi pas reprendre Salieri sur un théâtre un peu plus grand? Ne serait-ce que pour élargir le répertoire et pour combattre cette tendance néfaste de l'opéra actuel d'épuiser les grands chefs-d'œuvre en les répétant trop fréquemment.

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