Madama Butterfly. Giacomo Puccini.

Oper

Jean-Claude Auvray, Theater Basel.

Radio Suisse Romande, Espace 2, Musimag, mi-octobre 1986.

 

 

Vous vous souvenez que l'histoire de "Madama Butterfly", cette malheureuse petite Madame Papillon, joue au début de notre siècle, dans une maison japonaise, au sommet d'une colline qui domine la ville de Nagasaki.

 

(Musik)

 

C'est là que nous la voyons entrer, cette Geisha de 15 ans qui va épouser un officier américain. Lui, il retournera en Amérique un peu plus tard, et en se mariant, il trompe la jeune fille qui, elle, l'aime sincèrement et de cœur pur. Elle lui restera fidèle pendant son absence, attendra son retour, sans se douter que son mari, en Amérique, se considère comme homme libre et qu'il fonde un deuxième ménage, le bon cette fois, avec une fille américaine.

 

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Trois ans plus tard, après une longue attente, Mme Butterfly voit enfin arriver le bateau qui rapporte son mari.

 

(Musik)

 

Mais Pinkerton ne veut pas retourner chez son épouse. Il vient simplement chercher son fils pour l'emmener en Amérique. Mme Butterfly, trompée, déçue, brisée, ne voit plus qu'une solution: se donner la mort pour maintenir son honneur et sa dignité.

 

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Ce drame, que Puccini situait au début de notre siècle, Jean-Claude Auvray le place à la fin de la 2e guerre mondiale, peu après la capitulation japonaise; capitulation qu'une photo nous rappelle, vu qu'elle est projetée sur un écran. Nous voyons donc l'empereur japonais signer le document de sa soumission, entouré d'officiers américains.

 

C'est avec cette image que Jean-Claude Auvray nous met au courant du temps de l'action, et aussi des racines du drame avant même que l'opéra ait commencé. - Le vainqueur et le vaincu, le monde de l'orient et le monde de l'occident, tels sont les pôles qui dirigent l'action.

 

L'écran cependant, qui projette la capitulation japonaise, ne s'est pas seulement allumé pour nous, car il se trouve dans un cinéma privé, où les officiers américains qui s'ennuient dans cette ville de Nagasaki, viennent se distraire en regardant des images de filles déshabillées. Et puisque les photos à la longue ne suffisent pas, on leur montre des filles vivantes qui sont placées derrière des vitrines comme des poupées. Pinkerton choisit donc son épouse à travers le catalogue et la vitrine, sans savoir qui elle est et sans connaître son âme.

 

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Tout cela nous est raconté pendant l'ouverture. Pour Jean-Claude Auvray, elle ne sert donc pas seulement d'introduction, non, elle dévoile aussi la conception du metteur en scène. L'histoire de Mme Butterfly n'est pas uniquement la tragédie d'un individu malheureux. C'est plutôt la tragédie de deux mondes qui se rencontrent sans se comprendre, le monde occidental et le monde oriental. C'est ce conflit entre deux culture qui brise la petite Mme Papillon, elle qui essaye en vain de s'adapter au monde de son mari, en prenant sa religion, en devenant chrétienne, en achetant un frigidaire, un buvant du Coca au lieu de thé, en mettant des chaussures à hauts talons, en s'asseyant sur des chaises au lieu de s'agenouiller par terre, bref, en reniant son éducation, sa culture et son caractère pour appartenir au monde de son mari, pour entrer dans le monde de celui qu'elle aime.

 

La japonaise qui vit maintenant comme une exilée au milieu de sa patrie a lâché son identité sans que ce sacrifice la rapproche du monde de son mari, pour lequel l'amour et la fidélité ne comptent pas autant que la richesse et la carrière professionnelle. Si Mme Butterfly meurt à la fin du drame, il faut comprendre qu'elle est victime d'un malentendu. Le malentendu qu'on puisse comprendre les autres à travers de leur culture.

 

Et pour souligner le cynisme de cette histoire, la mise en scène de Jean-Claude Auvray se termine là, où le drame a commencé. La petite Mme Butterfly s'écroule dans sa vitrine et se plie dans un coin comme un papillon mort, tandis qu'autour d'elle, d'autres geishas sont exposées, elles toujours à vendre, toujours fraîches, afin que le drame recommence et se répète, puisque le cas de la Butterfly n'est qu'un exemple parmi d'autres, et qu'il symbolise l'histoire de la nation japonaise toute entière après sa conquête par les américains.

 

(Musik)

 

A part la transposition de l'opéra qui ne se joue plus au début de notre siècle, mais à la fin de la 2e guerre mondiale, Jean-Claude Auvray suit le livret avec beaucoup de minutie, d'intelligence et de soin. Il évite l'opulence qu'il sait, dans d'autres opéras, déployer avec tant de goût, pour se soumettre à la concentration, au silence, à la pureté.

 

Malheureusement, et c'est cela un des désavantages des théâtres à répertoire, la production a beaucoup perdu de sa fraicheur depuis la première au printemps passé. Le directeur ne sait plus imposer sa conception à un orchestre qui visiblement se fout de lui, la balance entre la scène et la fosse est dérangée, bref, la qualité de l'exécution musicale n'est plus à la hauteur de la mise en scène de Jean-Claude Auvray.

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