Die lustigen Weiber von Windsor. Otto Nicolai.

Oper.

Harry Rodmann, Renate Ackermann. Theater Basel.

Radio Suisse Romande, Espace 2, Musimag, 7 mars 1989.

 

 

Le livret se base sur Shakespeare et nous présente un parmi plusieurs opéras sur Falstaff; les plus connus sont celui de Verdi et celui de Salieri.

 

Personnellement, j'ai toujours eu de la peine à suivre et à accepter l'intrigue. Car elle oppose les jolies femmes croustillantes de Windsor à un vieux chevalier ventru; un vieux chevalier qui fait intrusion dans le monde clos des couples mariés et qui dérange les familles. Mais ce n'est pas pour cela que l'opéra le punit. C'est qu'il devrait se tenir tranquille. Car quand on est gros et vieux, on ne doit plus avoir besoin d'amour, nous dit l'opéra.

 

Vous voyez donc que le sujet de l'opéra nous vient d'une époque où l'on n'avait pas pitié des handicapés. C'était l'époque des préjugés, où les noirs sont jaloux et irascibles, pensez à Othello, où les turcs sont méchants et les vieux ridicules. Comment donc donner un opéra qui se fonde sur des préjugés primitifs et réactionnaires?

 

Vous pouvez renverser les données et vous mettre du côté de la victime, de Falstaff, en faisant sentir au public la cruauté et l'insouciance de la société qui entoure le héros. Et le public comprendra que même un marginal, même un petit vieux gras a besoin d'amour et que ce besoin n'est ni sale ni reprochable.

 

Ou alors vous défendez la cause des femmes, et vous soulignez qu'elles ont le droit de se défendre contre l'imposture d'un chevalier qui croit que son titre de Sir John Falstaff suffit pour lui permettre de s'approcher de l'objet de ses convoitises. Falstaff serait donc considéré comme symbole du machisme actuel et puni comme tel.

 

Mais que vous ayez une interprétation féministe ou émancipatrice ou psychanalyste ou autre – il est inévitable d'avoir une interprétation pour pouvoir donner cet opéra aujourd'hui.

 

L'opéra d'Otto Nicolai ne place cependant pas Falstaff au centre, mais les femmes, comme l'indique son titre: "Les joyeuses commères de Windsor". Ce sont bien des femmes mariées, mais elles ont perdues toute affectivité envers leurs maris. Et cela à juste titre. Car les maris de l'opéra ne s'occupent pas de leurs femmes, ne s'intéressent ni à leur monde ni à leurs idées. Ce sont donc des femmes solitaires, placées dans une cage dorée, peut-être même inconscientes de ce qui leur manque. Mais pour nous, spectateurs, ce manque nous saute aux yeux. C'est l'amour qui leur manque, c'est la relation affective riche, passionnante et profonde.

 

C'est donc à cause de ce manque et de cet ennui que Falstaff devient intéressant pour ces femmes. Car même s'il est laid, même s'il est vieux, il leur apporte une qualité qu'elles ne trouvent pas chez leurs maris: C'est que lui, Falstaff, leur parle d'amour, et par ce fait induit un langage du sentiment dans la tristesse monotone des ménagères. Le phénomène Falstaff, pour la femme metteur en scène à Bâle, Renate Ackermann, n'est donc que le symptôme de le crise des mariages.

 

Et cette crise des mariages, c'est la crise de nos jours, c'est la crise actuelle. La mise en scène en tire les conséquences et place l'action au présent, dans les petites villas de nos alentours. Au lieu d'avoir Windsor au temps de Shakespeare, le théâtre de Bâle nous montre les quartiers oh combien connus de Reinach ou d'Allschwil p.ex. Et tout à coup, ce public qui allait au théâtre pour oublier sa vie quotidienne, pour s'amuser, se voit confronté à sa propre situation, et le théâtre commence à interroger les spectateurs: Et chez vous, comment ça va? – Cet surprise a fâché les bâlois et ils ont riposté avec ferveur contre Renate Ackermann qui était responsable de cette mise en scène.

 

L'interprétation musicale a été accueillie avec bien plus d'indulgence, alors qu'elle était nettement au-dessous de la mise en scène; et pas pour des raisons techniques. L'orchestre symphonique de radio Bâle était impeccable. Mais le chef, Harry Rodmann, n'a pas su réaliser les chances que la partition lui offrait. Otto Nicolai a fait une orchestration du tonnerre. Au point de vue technique, c'est vraiment la grande partition romantique avec son jeu des registres, de la dynamique et des ambiances. Mais ce jeu, il faut qu'on le réalise, il faut qu'on fasse quelque chose pour le faire entendre. Il faudrait donc que le chef d'orchestre ait une idée, comme l'avait le metteur en scène. Or, à Bâle, tout élan, toute sensibilité manquait, et jamais je n'ai entendu une réalisation aussi plate, aussi insignifiante, aussi attristante.

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