Die schöne Helena. Peter Hacks.

Musikalische Komödie.

Städtebundtheater Biel-Solothurn.

Radio Suisse Romande, Espace 2, Musimag, début janvier 1989.

 

 

Que dites-vous de cette interprétation musicale? Il s'agit de l'ouverture:

 

(Musik)

 

Quelle sorte de mise en scène cette musique évoque-t-elle? Une mise en scène moderne, progressiste, détachée du modèle tout comme la musique? Or, rien du tout. La musique déblaye la tradition, et la mise en scène la réintroduit. Ce sont donc deux goûts différents qui se heurtent, deux conceptions et deux générations différentes.

 

D'une part, vous avez les jeunes musiciens. Ils sont trois, et leur instrument est un ordinateur avancé et tout à fait incompréhensible au commun des mortels. Toujours est-il que cette machine a joué tout ce qu'on lui demandait, même les violons.

 

(Musik)

 

D'autre part, vous aviez la mise en scène archi-traditionnelle. Un metteur en scène allemand, respectueux des indications scéniques, respectueux de l'auteur, Peter Hacks, qui exige que la scène dépeigne la Grèce de l'antiquité, non pas la Grèce de l'histoire, dit Hacks, mais la Grèce de la poésie.

 

Vous pouvez vous imaginer comment un petit théâtre brave et sans audace réalisera ces prescriptions. Vous retrouvez les colonnes grecques que deux machinistes doivent venir arranger après chaque scène, sans que le carré ou le demi-cercle n'auraient aucune signification. Vous retrouvez des voiles de tulle blanche comme si la Grèce de la poésie était un magasin de rideaux. Et vous retrouvez les jambes nues et les tuniques de la Grèce la plus classique et la plus ennuyeuse.

 

Vous voyez que la mise en scène a pris l'histoire terriblement au sérieux. Pas de clin d'œil, pas d'ironie, pas de poésie. Le tout est trop raide, trop imbibé d'un zèle âpre.

 

Cette Belle Hélène à la Comédie de Bienne-Soleure, le Städtebundtheater, ne m'a donc pas charmé. Et pourtant la conception de l'auteur Peter Hacks mérite d'être relevée. Il faut savoir que Peter Hacks est un écrivain de l'Allemagne de l'Est, disciple de Brecht, qu'il a voulu faire ressortir toutes les atrocités capitalistes et impérialistes qui se trouvent derrière la fable des librettistes d'Offenbach, Meilhac et Halévy. Les piètres intérêts des politiciens, leur envie de la femme, leur besoin d'argent, leur mélange de hardiesse et de stupidité, bref, tous ces défauts des hommes au pouvoir engendrent le drame qui mène à la guerre de Troie. Peter Hacks veut donc, par la caricature qui suit assez fidèlement le livret original, planter un germe républicain; semer le doute si les hommes au pouvoir méritent vraiment de l'être. Si la grandeur et l'importance de leur tâche ne dépasse pas leurs capacités intellectuelles et morales. Ce doute, Hacks nous le présente sous le voile du charme et du bon-entrain.

 

Mais la balance entre l'atrocité et le charme, affaire de goût et non pas de zèle, la comédie de Bienne-Soleure l'a loupée. Reste la découverte que les livrets de Meilhac et Halévy sont bien construits et mordants et qu'ils tiennent debout même sans musique, musique qui, par son entrain et sa verve, nous fait souvent un peu oublier les vérités pessimistes du livret; et cela justifie, à mon idée, le travail de Peter Hacks qui a démonté l'opérette d'Offenbach pour en faire une comédie musicale, où la clarté du verbe n'est pas trop troublée par le tourbillon musical.

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